Pline le Trône - Journal éphémère d'un écrivain potentiel

Curiosité : voilà un journal inachevé qui tord la sacro-sainte règle du calendrier et de l'écriture en direct. Il n'y a rien de spontané dans le processus d'écriture et pourtant l'auteur y apparaît sincère. Sincère malgré lui, jusque dans ses désillusions, puisque l'auteur estime avoir dévié de son projet initial. Qui se cache derrière Pline le Trône ? Un écrivain potentiel, un véliplanchiste lettré, un fonctionnaire de la Boite, un jeune père de famille qui cache son bonheur... Les pistes sont multiples. Tentative de débrouillage d'écheveau.

Comment est né le projet du journal en ligne ? Aviez-vous fixé sa durée de vie en le commençant ? Si oui, pourquoi s'est-il arrêté avant terme ? Est-ce que vous teniez un journal intime auparavant ?

La fin est encore une fois le plus facile : non, je ne tenais pas de journal intime auparavant. Pour le reste, vraiment...
La naissance, je vous dirai : "génération spontanée" ; ou alors il faudrait que je consulte et je n'ai pas les moyens. Vraiment, je ne me souviens d'aucun mûrissement avant éclosion, ça a dû me prendre comme ça, dans un coma post-réveillon. Je suis quasi certain d'avoir fixé très rapidement sa durée de vie car l'idée de mêler un caractère éphémère à une figure cyclique (l'année) est assez obsessionnelle chez le garçon, or en l'occurrence, le titre, "Journal éphémère d'un écrivain potentiel", était là au début. En revanche - mais je vois que la deuxième question porte sur la temporalité - ce journal ne s'est pas arrêté, il n'est pas achevé voilà tout.

Ce journal tient-il vraiment sur une année temporelle (98 ou 99) ? Vous preniez des notes manuscrites ou bien sur dictaphone. La part de réécriture (au clavier) était-elle importante, ou bien est-ce que vous cherchiez le moins possible à filtrer le premier jet ?

Non, ce journal ne tient pas sur une année temporelle. Je suis marié, j'ai deux enfants, une vie lambda, que je savoure, soyons bien clairs. Le dictat d'une rédaction coûte que coûte n'a jamais fait partie du programme et ce d'autant que, pour pitoyables que puisse paraître ces petites masturbations quotidiennes, elles ne m'en demandaient pas moins un certain effort qu'alourdissait une certaine peine à jouir. Je crois que je voyais dans l'étalement sur plusieurs années une solution raisonnable. Ah ça y est ! Je me souviens : au départ, j'avais prévu de faire 6 mois la première année, 3 la deuxième, 2 la troisième et une la dernière ; je voulais peindre en entonnoir le passage au troisième millénaire (rire) de John Doe. Comme il fallait s'en douter, la vraie vie a eu raison  de cette idée maniaco-absurde. La fatalité s'en est mêlée aussi puisque j'ai perdu le carnet qui contenait la fin août, avec des éléments croustillants sur l'écrivain V ! Ce qui m'amène à la question 2 : j'écris sur des carnets, à spirales, ou non. Quant à la réécriture au clavier, c'est une vraie ogresse, elle mange tout, c'est clair.

Régulièrement, vous exposez vos propres doutes sur votre création littéraire. Vous râlez souvent sur (au choix) : votre style, votre manque d'assiduité, l'aliénation du travail, etc... Y a-t-il une part d'exagération littéraire ? Ou était-ce plus un défouloir jugé nécessaire pour évacuer le stress ?
Admettons que vous ayez relu votre journal : comment jugez-vous a posteriori votre état d'esprit de l'époque ?

"Y a-t-il une part d'exagération littéraire ? Ou était-ce plus un défouloir jugé nécessaire pour évacuer le stress ?" Ou ? Pourquoi ou ? "Une part d'exagération littéraire...", une part qui fait le tour de la galette en vérité. Pline le Trône... Il me semble que le nom exagère déjà pas mal, non ? Pour ce qui est du défouloir, à première vue oui et certainement de fait un peu, mais comparativement à la planche à voile, le journal intime ne s'avère pas très performant. Ecrire excite au moins autant que cela calme ou vide, c'est vraiment proche de la branlette. Si vous voulez vous sentir bien, faut faire du soprt, c'est certain. Comment je juge mes écrits ? Je les trouve ravissants.

Vous pensiez au départ que ce journal ne serait lu que par quelques lecteurs de votre entourage. Des lecteurs (connus, inconnus) vous ont-ils incité à continuer (après Septembre). Avez-vous entretenu une correspondance avec certains d'entre eux (suite au journal) ?
Parmi les réactions des lecteurs, vous attendiez énormément du retour de Roche, votre ami de jeunesse. A un moment de l'année, vous prenez vos distances avec lui. Est-ce que vous vous servez du journal pour lui faire savoir ?

Sur le lectorat, quantitativement, je ne me suis guère trompé. En revanche, j'ai reçu plusieurs témoignages d'une lecture vraiment attentive qui m'ont vraiment étonnés. Ce n'est pas faux-cul ce que je dis là, c'est toujours étonnant quand vous recevez un mèl un peu du genre du vôtre qui vous demande pourquoi vous dites ça ici, ou est-ce qu'untel existe vraiment, ou est-ce que véritablement vous pensez telle énormité lue en Avril etc... Plusieurs épisodes épistolaires (mèlaires) ont eu lieu sans que ça n'aille jamais jusqu'à la chair et les os. Roche est maltraité dans ce journal et je le regrette. Evidemment, j'ai fait des études de lettres et je me suis farci les pactes autobiographiques de tous poils. Je pensais en débutant le journal que je pourrais produire une vraie mascarade, une écriture qui ne dévoile finalement rien et qui m'aurait, oui, bien défoulé. Bien j'avais sous-estimé la puissance du "je" et de la pulsion exhibitionniste qui vous étreint dès que vous écrivez ce pronom. Je pense avoir fait de V un personnage, mais Roche est comme une vue tronquée d'un vrai gens qui est surtout un ami vrai, encore et toujours. Et si je me sers effectivement du journal pour dire des choses à un proche, vous verrez que la correspondance à un tiers peut également servir cette fin...

Vous êtes très caustique, voire féroce avec la boite qui vous emploie. Vous exposez aussi vos idées sur l'éducation. Avez-vous fait lire ces passages à des collègues de travail ? On sent que vous êtes tiraillé sur un choix de vie : travailler à devenir écrivain ou accepter un travail peu gratifiant à l'éducation nationale et assurer la sécurité de votre famille.
Avez-vous choisi finalement (-: ?

Il en est de mes élucubration sur l'éducation comme de mes propos sur Roche. Je suis mauvais sur cette question qui n'a rien à voir avec l'objet de mon journal. J'ai essayé de faire de la littérature avec ce qui meublait ma vie et je me suis servi de tout ce qui pouvait faire naître en moi un sentiment (de colère souvent c'est vrai, il faut dire que c'est productif) pour me pousser à sortir le carnet et plus tard à taper sur des touches face à un écran qui nique les yeux. Mes idées sur le système éducatif, en admettant que j'en aie, ne sont pas à chercher dans un capharnaüm pseudo-intime. Aucun collègue n'a jamais lu une ligne de mon journal.

Le choix ? Quel choix ? Si j'avais des millions comme dit la chanson, je ne roulerai pas en Ferrari ni n'habiterais Beverly Hills, mais j'écrirais, c'est certain. Ma boîte comme vous dites, et le terme est bon, me permet d'assurer à ma famille une vie correcte et je lui en suis reconnaissant.

Avant de vous quitter, je voudrais vous inviter à découvrir le petit dernier. C'est l'antithèse du Journal éphémère d'un écrivain potentiel, il se nomme : Le journal fun de l'écrivain chbrounch! Il est là : http://pline2.free.fr/journalfun.htm

recueilli par tehu
05/01/2001